Au Sénégal, dans le Sine-Saloum, les villages à proximité des berges des vallées fluviales subissent de nombreux dégâts matériels chaque année en raison d’un important phénomène de ruissellement. Ce dernier s’est renforcé après plusieurs dizaines d’années de déboisement en amont des villages et de défrichement des berges entrainant ainsi la déstabilisation des milieux physiques (agro et écosystèmes), biophysiques (faune, avifaune, flore) mais aussi de certaines sphères de vie et de mobilité des populations (habitats, routes…).
Aujourd’hui, des ravines et glissements de terrain menacent des routes, parcelles agricoles et bâtiments. Toute zone d’emprise de ce réseau de ravins fait souvent l’objet de déplacement ou de déprise totale si des mesures ne sont pas prises. Les timides mesures prises par les populations et les collectivités pour tenter d’enrayer le cercle vicieux s’avèrent infructueuses, car trop localisées, souvent inadaptées et n’étant pas étayées par une connaissance du phénomène de l’érosion hydrique et son fonctionnement.
À cette situation de vulnérabilité, s’ajoute le changement climatique, qui renforce les extrêmes (sécheresse, variabilité/intensité des périodes de pluies), accélérant une pauvreté progressive de la biodiversité, des sols et des écosystèmes et entrainant, à terme, un exode rural des population.
Dans le cadre du projet "Sunu Ecosystème, Sunu Ëulëuk - Appuyer la transition vers des territoires agro-écologiques", l'IRHA , accompagnée de nos partenaires locaux, l'Association Sénégalaise pour la Gestion d'Eau de Pluie (ASGEP) et Caritas Kaolack, a entrepris de diffuser des méthode de penser et gérer le territoire et plus particulièrement, les ruissellements diluviens de la saison des pluies. Ainsi, à Ndayène Poste, petit village à 10 kilomètres au Nord de la Gambie, à travers une forte mobilisation communautaire, un réseau d'infrastructures anti-érosives est en train d'être mis en place.
Deux niveaux d'intervention sont privilégiés. Le premier est préventif, des cordons pierreux végétalisés installés en "bouclier" en amont du village, afin de freiner la vitesse des ruissellements pour réduire sa capacité d’éroder et de charriage (transport) de sédiments. En parallèle, des ouvrages correctifs sous la forme de gabion, pierres emballées dans du grillage, sont construits au sein même de ravines pour réduire le processus érosif et déclencher la colmatage des zones d’incision déjà affectées.
Ainsi, dans le cadre de ma mission de terrain du mois de Mai, j'ai eu le plaisir de participer au démarrage de ces travaux de réhabilitation. La mobilisation a été au rendez vous avec plus de 50 membres de la communauté présents et 9 charrettes à âne mises à disposition. Cette engouement de tout âge n'a été possible qu'à travers la tenue au préalable d'une série de réunions avec les villageois afin de les sensibiliser et informer sur les causes de ces ravinements et les solutions envisageables. Ces réunions sont l'occasion d'échanges enrichissants avec des communautés motivées à transformer leur territoire en un environnement résilient et durable et permettent d'identifier les personnes ressources sur lesquelles s'appuyer lors de la mise en œuvre des activités.
Après trois jours de travaux, ce sont 70 mètres de gabions ainsi qu'environ 60m de cordons pierreux mis en place. Le travail qui reste à accomplir demeure conséquent, surtout au niveau du "bouclier" anti-érosif construit en amont du village. Cependant, les villageois se sont bien appropriés ces techniques et ont décidé de continuer à mettre en œuvre les aménagements anti-érosifs jusqu'à l'arrivée de la saison des pluies. Cette mobilisation communautaire est extrêmement réjouissante et miroite un partenariat fructifiant entre les acteurs du projets et les populations de la région.